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Pettit et son explication de la république

6 Février 2014 , Rédigé par Laurent Robichon-Leclerc Publié dans #Critiques

Toutes conceptions de la liberté se font sur la base de contrastes entre deux statuts[1]. Le cas des Romains suit cette formule : le citoyen est libre parce qu’on le compare à l’esclave asservi[2]. L’esclave a un maitre, mais pas le citoyen. Donc, la république ne doit pas agir en maitre afin que le citoyen conserve cette liberté. C’est ce que Pettit appelle «la liberté comme non-domination». Pour obtenir une vraie république, quelques mesures se posent. La République romaine a, par exemple, défini la conception de liberté, puis a protégé cette conception par des institutions qui elles, sont enchâssées dans une Constitution. Le but visé est d’empêcher l’entité politique de dominer tel un maitre sur son esclave. Pour ce faire, il faut enlever la possibilité au gouvernement d’établir des politiques ou des jugements de façon arbitraire. Ainsi, si le gouvernement désir agir pour leurs propres intérêts (corruption, collusion), la tâche devient plus ardue. En ce sens, des principes de la République romaine tels que «l’empire du droit, la dispersion des pouvoirs, la représentation des différentes classes»[3] constituent des moyens de limiter le pouvoir du gouvernement. Des outils plus contemporains sont la séparation des pouvoirs, la mise en accusation du gouvernement (en chambre), la liberté de l’information, l’accessibilité aux représentants, les pétitions et les enquêtes publiques[4]. De plus, la possibilité pour le citoyen d’élire (ou d’être élu) rend le gouvernement imputable de telle sorte que les élus gouverneront pour le bien commun afin de conserver le pouvoir[5].

L’objectif derrière ces mesures est que la république gouverne pour le bien commun, ce qui se résume à toutes actions collectives positives. Une façon de garantir l’intérêt de tous les citoyens réside dans l’édification de politiques qui ne sont identifiées qu’à la masse, et non à des groupes précis[6]. Or, bien que des politiques traitent de groupes et non de la masse (fiscalité progressive, subventions régionales, etc.), celles-ci conservent leur légitimité si deux critères sont remplis : l’objectif en fin de compte doit être le bien commun et l’instauration de la politique ne doit pas être discrétionnaire (jugement arbitraire), mais procédurale (en conformité d’un processus)[7].

Aux limites imposées au gouvernement, des mesures pour contrer les autres menaces de dominations sont de mise. D’une part, il y a la protection de la population contre elle-même. Pour ce faire, assurer une paix civile constitue la voie à suivre[8]. D’autre part, l’État doit protéger le peuple de toutes menaces extérieures. Outre la fonction de protection, le gouvernement a le devoir «d’œuvrer pour la promotion d’une liberté effective et non simplement d’une liberté formelle»[9]. Ainsi, il doit mettre à la disposition des éléments qui permettent aux moins forts de résister aux dominations issues de la sphère privée : en s’attaquant à la pauvreté, aux handicaps et à l’ignorance, par exemple[10].

Ce gouvernement de non-domination qui vise l’intérêt du bien commun peut s’ériger dans une république ou une démocratie. Pour ce qui est des régimes électoraux, le problème réside dans la difficulté pour les minorités de satisfaire leurs intérêts parce que soit la majorité, soit certains groupes puissants, dictent les décisions du gouvernement. Pour se prémunir contre cette «tyrannie de la majorité» et des groupes de pression, Pettit suggère d’accorder aux individus la possibilité de contester une décision du gouvernement. L’exemple contemporain à ça est l’appel aux principes constitutionnels pour persuader les tribunaux d’assouplir ou d’annuler une politique gouvernementale. Une fois la décision prise, cela cristallise les nouvelles normes pour des litiges semblables (jurisprudence). Pettit nomme ce processus «une contestation ex post»[11].

La différence qui éloigne Pettit de l’idéal républicain et le rapproche de la démocratie contestataire réside dans leurs conceptions respectives du pouvoir : le premier exige qu’il n’y est aucune possibilité pour le gouvernement d’agir de façon dominante (tyrannique) ce qui conduit à l’État minimal parce que toutes lois risquent de brimer les libertés individuelles. Cela peut paraître insensé parce que les droits ne sont pas les «seules ressources permettant de protéger les individus et de leur garantir une situation de non-domination.»[12] En effet, pensons aux évolutions sociologiques qui ont permis aux femmes d’obtenir plus de pouvoir, ou encore, à la syndicalisation qui constitue un contre-pouvoir au patronat.

[1] PETTIT, Philip. «Post-scriptum : le républicanisme en perspective», Républicanisme : Une théorie de la liberté et du gouvernement, Traduction de P. Savidan et J-F. Spitz, Gallimard, Paris, 2004, p. 403.

[2] PETTIT, Philip. «Post-scriptum : le républicanisme en perspective», p. 380.

[3] PETTIT, Philip. «Post-scriptum : le républicanisme en perspective», p. 385.

[4] PETTIT, Philip. «Post-scriptum : le républicanisme en perspective», p. 395.

[5] PETTIT, Philip. «Post-scriptum : le républicanisme en perspective», p. 392.

[6] PETTIT, Philip. «Post-scriptum : le républicanisme en perspective», p. 389.

[7] PETTIT, Philip. «Post-scriptum : le républicanisme en perspective», p. 390.

[8] PETTIT, Philip. «Post-scriptum : le républicanisme en perspective», p. 385.

[9] PETTIT, Philip. «Post-scriptum : le républicanisme en perspective», p. 387.

[10] PETTIT, Philip. «Post-scriptum : le républicanisme en perspective», p. 386.

[11] PETTIT, Philip. «Post-scriptum : le républicanisme en perspective», p. 394.

[12] PETTIT, Philip. «Post-scriptum : le républicanisme en perspective», p. 405.

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