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Kant et la paix perpétuelle

6 Mars 2014 , Rédigé par Laurent Robichon-Leclerc Publié dans #Critiques

Chaque État agit pour leur propre intérêt avant celui des autres États, de telle sorte que dans cette anarchie qui définit les relations internationales, des incitatifs et des sanctions doivent encadrer leurs actions afin que le bien commun soit préservé. Emmanuel Kant, bien loin de la SDN[1] et de l’ONU[2], définis pour les deux siècles à venir des principes qui serviront de fondements au droit international public (DIP). Le principe de souveraineté de l’État qui est, aujourd’hui, à la base du DIP, est avancé par Kant. Il refuse toutes ingérences d’un État dans les affaires d’un autre État. De plus, aucune action déshonorante ne doit être perpétrée, même lors des guerres, car la confiance envers l’autre est brimée pour l’avenir. Cette valeur jette les assises des institutions juridiques internationales contemporaines (CPI, CIJ[3]) qui sanctionnent les crimes contre l’humanité, et s’avèrera une idée utilisée pour la Convention de Genève (encadrement d’armes et de la torture, entre autres). Sa réflexion sur la bonne utilisation des emprunts, à savoir qu’au risque d’être considéré comme une nation prédatrice qui exige un tribut, chaque État a le devoir d’utiliser ses prêts que lorsque c’est dans le véritable intérêt du pays (ex : infrastructures), constitue une idée auquel les institutions internationales actuelles en matière d’économie (FMI et BM[4]) reposent, mais où la différence réside dans l’obligation du processus : où Kant attendait des États qu’ils remplissent leur devoir, les institutions contemporaines les contraignent. De plus, invoquant que l’escalade de l’armement est nocive pour l’économie et la paix, il suggère que chaque État se démilitarise. Qui plus est, le traité de paix doit avoir l’objectif de pacifier les rapports sur le long terme, de telle sorte que le vainqueur ne devrait pas faire des demandes abusives afin d’éviter ressentiments et esprit revanchard de la part du vaincu. Finalement, Kant pose les assises de la théorie de la paix démocratique et prétextant qu’un monde pacifié est davantage possible s’il y a une augmentation du nombre de démocraties digne de ce nom. En effet, dans un État républicain, chaque citoyen décide du sort de sa nation en tenant compte des bienfaits certes, mais aussi des maux (mort, dévastation du pays, dette, etc.) qui risquent de peser sur lui et la société. Au contraire, lorsqu’une guerre frappe un État non démocratique, pas le moindre sacrifice n’est fait par le souverain.

Que Kant énonce la non-ingérence d’un État dans les affaires d’un autre État, qu’il condamne les gestes déshonorables et les dettes accumulées pour des buts illégitimes et, finalement, qu’il dénonce l’escalade de l’armement, constituent un gage que les États agiront de bonne foi. Or, anticipant que les États s’activent en fonction de leurs intérêts bien avant les considérations morales ou humanistes, Kant propose deux choses. D’une part, un pacte entre les peuples, déboulant vers une fédération d’États libre et souverain, autorégulerait par les normes et par une législation les États membres de ladite association. Par effet de dominos, ces regroupements d’États se fusionneront pour qu’à terme, nous nous retrouvions dans un monde entièrement pacifié. D’autre part, l’intégration ne devrait pas uniquement se dérouler au niveau institutionnel, mais aussi par un accroissement du tissu transnational : l’intensification des relations des acteurs non étatiques entre deux États est à lui seul un garant de paix parce que d’abord, l’étranger devient moins hostile, et qu’ensuite, une interdépendance (économique surtout) peut s’installer. Toutefois, la seule augmentation des contacts n’est pas suffisante si des pratiques inhospitalières (esclavage, pillage, discrimination, etc.) sont exercées sur les pays étrangers ou sur les minorités d’un pays. En conclusion, le cosmopolitisme, la démocratisation du monde ainsi que des principes de paix défendus par un corps d’États concertés constituent des éléments d’inspiration pour deux siècles de relations internationales et, espérons-le, l’essence de la paix perpétuelle.

[1] Société des nations (1919-1946).

[2] Organisation des Nations-Unis (1945 - …).

[3] Cour pénale internationale (1998- …) et Cour internationale de justice (1945 - …).

[4] Fonds monétaire international (1944 - …) et Banque Mondiale (1945 - …).

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